Film
Projection du film Évaporés (Jôhatsu) d’Andreas Hartmann et Arata Mori.
Évaporés (en japonais Jôhatsu) est un film documentaire réalisé par Andreas Hartmann et Arata Mori. Réalisé en 2024, inédit en France et au Japon.
Chaque année, des milliers de personnes disparaissent sans laisser de traces au Japon. Connues sous le nom de jôhatsu, ou « évaporées », elles abandonnent leur vie face aux difficultés rencontrées.
Par le prisme d’une gérante d’une société de déménagements de nuit (yonige-ya), le film compose un portrait intime et sensible en forme de mosaïque décrivant un phénomène social touchant tous les milieux et nous invitant à une réflexion universelle sur notre rapport à la modernité.
Ce film a été sélectionné en compétition au 18e Festival Kinotayo.
Projection le jeudi 12 juin 2025 pour le festival Un petit air du Japon 2025 au Cinéma les 7 Parnassiens.
Pourquoi aller voir Évaporés (Jôhatsu) ?
Ce documentaire offre un regard rare et profond sur un phénomène social japonais méconnu.
En suivant le parcours de plusieurs jôhatsu et de leurs proches, le film dévoile une réalité troublante qui touche des milliers de personnes chaque année au Japon.
Une plongée dans les coulisses d’un phénomène social unique
Le film nous introduit à Saita, patronne d’une société de déménagement nocturne qui aide les personnes souhaitant disparaître. Ancienne évaporée elle-même, elle consacre désormais sa vie à accompagner ceux qui cherchent à s’effacer de la société. À travers son témoignage sans filtre, nous découvrons les mécanismes et la légalité surprenante de cette pratique.
Les réalisateurs Andreas Hartmann et Arata Mori ont réussi l’exploit de convaincre plusieurs jôhatsu de témoigner à visage découvert, à condition que le film ne soit pas diffusé au Japon. Cette projection représente donc une opportunité exceptionnelle d’accéder à des témoignages authentiques normalement inaccessibles.
Le documentaire nous emmène dans des quartiers comme San’ya à Tokyo ou Nishinari à Osaka, refuges de nombreux évaporés qui y trouvent un semblant de vie sociale loin des regards inquisiteurs.
Un miroir des pressions sociales japonaises contemporaines
Évaporés ne se contente pas de présenter des cas individuels, mais analyse les forces sociales qui poussent à de telles décisions extrêmes. Le film révèle comment la honte de déroger à l’ordre social et l’impossibilité d’atteindre la réussite attendue deviennent des fardeaux insupportables.
Les témoignages variés – homme ayant ruiné l’entreprise familiale, victime de violences conjugales, couple racketté par un patron – illustrent la diversité des situations menant à l’évaporation. Le documentaire montre comment ce phénomène constitue une alternative au suicide dans une société où les pressions peuvent devenir écrasantes.
La juxtaposition d’entretiens intimes avec des plans statiques de villes japonaises crée une atmosphère mélancolique qui renforce la dimension émotionnelle du sujet. Comme l’a souligné Phuong Le dans The Guardian, cette approche visuelle souligne que le jôhatsu n’est pas qu’une décision individuelle, mais bien le symptôme de problèmes sociaux plus larges.
Une double perspective émouvante
Ce qui rend ce documentaire particulièrement touchant est son approche équilibrée. Les réalisateurs ne se contentent pas de présenter le point de vue des évaporés, mais donnent aussi la parole aux personnes abandonnées, confrontées à des questions sans réponses.
Cette double perspective permet de comprendre pleinement l’impact de ces disparitions volontaires. D’un côté, des individus qui tentent de recommencer leur vie dans une forme de liberté précaire. De l’autre, des proches hantés par l’incertitude et l’incompréhension.
Le film nous confronte également au paradoxe de ces existences en sursis : une fois évaporé, travailler officiellement ou fonder une famille devient presque impossible.
Certains conservent pourtant des rêves de normalité et l’espoir fragile de retrouver un jour leur vie d’avant.
Cette projection exceptionnelle nous invite ainsi à réfléchir sur les limites de nos sociétés modernes et sur le prix parfois exorbitant que certains sont prêts à payer pour échapper à des pressions devenues intolérables.